aljama3a assolalya hammam elfougani

aljama3a assolalya hammam elfougani

FIGUIG DANS L’IMAGINAIRE FRANÇAIS AU XIXème SIECLE.

(Exposé,
Sevran le 22/05/2010)

 

Dans les années soixante-dix,
un fonctionnaire de la  préfecture de Paris  demanda à un homme qui s’est 
présenté devant son guichet pour renouveler sa carte de séjour : Ce Figuig,
est-ce   une ville ou c’est un Etat ?

L’homme lui dépondit : Non, Figuig est un grand
village.

-Ah ben dis donc ! s’exclama le fonctionnaire,
qu’est-ce que  serait Paris si Figuig était un Etat, il n’y a pas un jour où je
ne traite au moins un dossier de quelqu’un qui est nait à Figuig.

Ce fonctionnaire n’a sans doute jamais lu(comme
la plupart de nous, dans cette salle)  le roman d’ Hippolyte
Mettais
, publié en 1865, « Paris dans 4000 ans » ; un roman de près de
400 pages, c’est une prophétie utopique qui s’ouvre sur une France devenue
Cosaque (ainsi s’appelait l’ancienne France) et Figuig en est la capitale bâtie
sur un marécage comme l’antique Lutés (nom antique de Paris) ; prés de Figuig
s’élève un village et sa société  gouvernés par les règles et les normes de la
cité utopique classique, ce village s’appelle Le Petit Paris, l’égalité la plus 
rigoureuse entre les citoyens, la moralité civique et privée la pure y font
loi.

La prophétie de ce roman s’est réalisée, mais
seulement au lieu que la petite Paris soit à côté de Figuig, on a fait un petit
Figuig aux alentours de Paris, (il y a à peu près 7000 personnes qui habitent
IDF et qui ont des origines figuiguiennes, alors que les habitants de Figuig   
ne dépassent pas actuellement 12000  habitants).

  Ce roman appartient à un large
corpus
de textes allant la fiction, aux récits de voyageurs réels ou
imaginaires, d’articles savants

Aux articles fantastiques des périodiques, qui
ont cité l’oasis de Figuig ou placé leurs intrigues dans un Figuig réel ou
imaginaire.

Figuig, dans l’imaginaire
français !
  Certains d’entre nous diront que ce titre est tiré par les
cheveux, mais quand on consulte la liste des rubriques des publications
françaises de XIXème siècle à la BNF, on s’étonne du classement de Figuig, c’est
la quatrième ville marocaine la plus citée dans ces publications
françaises du XIXème siècle, juste après FES, TANGER et RABAT, cette
liste est loin d’être exhaustive, Figuig y figure 340 fois, FES 7630 fois, alors
que les villes comme MEKNES et de MARACKECH, pourtant ce sont des anciennes
capitales historiques du Maroc y figurent moins de 200 fois.

Dans un manuel de géographie de 1846 ; une sorte
d’Atlas de l’époque, intitulé : « Cours de géographie, comprenant la
description physique et politique et la géographie historique des diverses
contrées du globe. »,
dans la demi-page consacrée au Maroc, Figuig
figure parmi les sept villes marocaines qu’y sont décrites : « — On
trouve,
au N. E. de l'oasis de Tafilelt, celle de Figuig, fertile et
industrieuse. ».

A la fin de la première moitié du XIXème siècle,
l'expansion française  en Algérie a visé le Sahara, dont l`occupation et la
pacification devait  assurer à la fois la sécurité de l'Algérie vers le Sud et
la liaison avec les nouvelles colonies de l'Afrique Noire, cette conquête fut
longue et difficile notamment dans les oasis du nord du Sahara. C`est dans ce
contexte que Figuig est intervenu dans cette lutte en prêtant appui à tous les
insurgés algériens, l'Emir Abd-el-Kader s`est réfugié à Figuig en 1846, un an
avant sa reddition (c’est à lui qu’on attribue cette phrase : si tu veux la paix
au Sahara, détruis Figuig). En 1882 en pleine insurrection des Oulad sidi Chikh,
Bou Amama s`exila à Figuig, sa ville natale (il est né à le Hammam Foukani) et
lors de sa poursuite, l'armée française se rapprocha de Figuig, les habitants
manifestèrent leur hostilité, et refusent de laisser pénétrer des Français dans
leur enceinte et de commercer avec eux.

Figuig, appartenait au Maroc en vertu Du traité
de Lala-Maghnia de 1845, qui délimite la frontière entre le Maroc et l’Algérie ;
la France essayait de mettre vainement  en question cette appartenance, par des
voix diplomatiques auprès du Sultan du Maroc ;  l'oasis de Figuig est défendue
par le mur d'airain de la diplomatie européenne et que la France ne saurait y
toucher sans compromettre l'intégrité du Maroc, dont la colonisation est
disputée par la France, l’Espagne et la Grande-Bretagne.

Cette situation a suscité en France un débat sur
la nécessité de l’occupation de Figuig.     Cette oasis, point de départ et
d'arrivée des caravanes du Maroc au Soudan, quoique tributaire du Maroc, est à
peu près indépendante et qui est devenue  un lieu d'asile et de refuge pour tous
les dissidents et les insurgés algériens. Sa réunion à la province d'Oran
s'impose donc pour la sécurité de la grande colonie algérienne. Le Chemin de fer
d'Oran à Aïn-Sefra a mis les forces militaires française à quelques heures
seulement de l'Oasis, on peut citer quelques exemples de ce débat :   Le vicomte
Charles de Foucauld  critiquait cette situation et trouvait,  que c'est une
grande faute de ne pas occuper Figuig et que le prestige  de la France en
souffre cruellement dans les pays arabes: je cite sa déclaration :
« On juge
la puissance de la France et on mesure sa réputation dans le Sahara d'après sa
conduite à Figuig. ».

Dans un discours devant la Chambre, un débuté,
partisan de l’occupation de Figuig, déclara :

Qu’est-ce donc que les Figuiguiens?

Nominalement ils sont les sujets du sultan du
Maroc. Mais cette sujétion n'est guère qu'une fiction diplomatique..
- En
réalité le Figuig n'a jamais appartenu à personne d'autre qu'à ses habitants et
à quelques vieilles familles de marabouts. Sa population, d'une quinzaine de
mille âmes, est très hétéroclite:
un ramassis de bandits et de pillards
venus de partout, des détrousseurs de caravanes  du désert, l’allié des tribus
marocaines et algériennes, et même des déserteurs des troupes algériennes se
sont tous embusqués dans ce repaire et de là, ont jusqu'à présent pu exercer en
toute sécurité leurs déprédations, attaquer nos postes militaires, nos
caravaniers et nos colons.(prisonniers))

On, peut lire aussi dans le même contexte, dans
un manuel scolaire Cours de géographie à l'usage de l'enseignement secondaire,
programmes de 1902 :
   « Au Sud de l'Oranais les vallées de la Zousfana et
du Guir, réunies à Igli pour former la vallée de la Saoura, sont jalonnées
d'oasis dont
malheureusement la plus riche, Figuig, a été
réservée au Maroc par
le traité de 1845. »

Conférence faite à Paris, le 7 octobre 1881, par
l’économiste Louis Say, sur l'Etat de l'Algérie.

Je voudrais que vous vissiez tous ces Berbères
et tous ces Arabes qui ont incendié Carthage et fait trembler Rome. Mais qui
aussi ont fondé — Tlemcen, — Fez et Figuig.

Donc, Figuig reste inviolable et impénétrable,
aucun européen  n’est rentré à Figuig, il est protégé par le statuquo de la
diplomatie européenne et par les mythes et les légendes qui sont nés autour de
lui :

Pour illustrer ces légendes telles quelles
étaient racontées en France, on va choisir un article d’une journaliste, une
conférence d’un militaire et un discours d’un politicien.

La journaliste, c’est Anne Levinck, romancière,
et organisatrice des salons littéraires à Paris, qui publia dans un article en 
1885 le récit de son voyage qu’elle prétendait avoir effectuer à Figuig, (il
s’est avéré  que ce voyage, n’était qu’une pure œuvre d’imagination), peu-import
ce qui nous intéresse ici c’est l’image de Figuig en France à cette
époque,

Je vais lire un  passage de ce récit ; il va
être un peu long, mais il illustre bien notre sujet :

   Figuig : c’est là-bas, à quatre cents
kilomètre au-delà du bordj de  Méchéria, un coin de terre que protège, on ne
sait pour quelle raison politique, son installation quelque peu en dehors de
notre frontière hypothétique et facultative vers le Maroc.

   Consultez autour de vous ; on vous fera le
récit de maintes incursions militaires, longues, difficiles, meurtrières, sans
honneur et sans résultat provoquées par ce nom ; vous entendez nommer les
Wimpfen, les Colonieu, d’autres moins illustres ; vous saurez bien vite que des
colonnes françaises, dirigées par des officiers de tous rangs et de toutes
armes, y sont allées rechercher la fameuse graine d’épinards que d’aucuns ont
rendu légendaire ; que ces colonnes ont vu Figuig… en passant ; qu’elles se sont
engagées même bien au-delà, pour revenir tournoyer encore haletantes, curieuses,
mais toujours inoffensives, autour de ce coin de désert franco-marocain, sans
oser jamais parlementer avec  ses habitants, autrement que pour renouveler l’eau
de leur outres dégonflées  et réconforter leur bêtes épuisées avec quelques
brassés d’herbe fraiche.

   Si vous avez daigné  écouter ou à peu près,
peut-être en rougissant, vous avez entendu tout ce que l’on sait de sérieux sur
Figuig, en Algérie et ailleurs. Enfin, votre connaissance de tous les documents
recueillis et par nos expéditions sera complète lorsque les archives de
l’état-major se seront obligeamment ouvertes pour vous laisser prendre sur vos
tablettes le nom de quarante ou cinquante étapes qui, plus ou moins bien reliées
à Figuig, résument nos expéditions dans l’extrême Sud-Oranais.

  Maintenant, s’il vous était nécessaire ou
simplement agréable de suppléer à cette pénurie de notes historiques par une
surabondance de données vraiment orientales, fantaisie ou légendes, vous
trouveriez  d’incomparables renseignements  dans l’imagination des indigènes. Je
puis même vous indiquer à la source  les exagérations plus apparemment
scientifiques, mais tout aussi gasconnes, passez-moi l’épithète, de maints
Européens, dont je n’excepte pas quelques intelligences d’élite qui voudront
bien me  pardonner cette indiscrétion. 

   En vertu de la langue indigène, Figuig
devient la sœur ainée de Salamanque ; pour ses écoles de théologie, la rivale de
Cordoue  pour ses mosquées et cuirs, la pareille de Tolède pour ses aciers
damasquinés.

  Les mineurs de Figuig qui y abondent,
parait-il, sans que l’on sache pourquoi, sont les émules de ceux de Carthagène
et de Bilbao. Leurs maçons, leurs charpentiers y conservent les traditions des
corporations de Rome, on ne sait toujours pas pourquoi et dans quel but. Bref,
pour si peu qu’un maréchal des logis, à trois briques, vous dessine sur le sol,
avec la pointe de son bancal, ses courtines bastionnées et vous énumère les
canons dont il a vu, de ses yeux, la gueule béante, vous n’aurez aucune peine à
croire que Figuig a été mis en état de forteresse par un Vauban et que son
arsenal est un client des plus sérieux pour les Krupp et les
Petin-Gaudet.

    Laissez-moi vous assurer que vous
n’hésiterez devant aucune surprenante assertion lorsque, par exemple, la veuve
d’un commandant d’artillerie vous aura, comme à moi, raconté de la meilleure foi
du monde, qu’un de nos quartiers généraux d’Algérie a gardé et garde encore un
silence aussi profond que patriotique sur la désertion d’une batterie de
campagne introduite par ses officiers eux-mêmes dans les murs de Figuig, et que
cette batterie a pu augmenter l’artillerie de cette forteresse. Naturellement,
elle tenait ce fait de très bonne source.

   Voici donc Figuig passé à l’état de merveille
tombée du ciel au milieu du désert, à l’usage à peu près exclusif des
contumaces, des déserteurs français en général et de la légion étrangère en
particulier, affirment les mieux informés ; tous les gens heureux qui s’en vont
là-bas sans doute pour renier  leur foi comme ils ont renié leur patrie et qui
augmentent chaque année le contingent d’officiers, d’ingénieurs et d’artisans de
toutes sortes appelés par la fatalité à faire la gloire et à augmenter les
félicités et les vertus de cet Eden.

  Toutefois, comme chaque médaille a son 
revers, on raconte que quiconque pénètre dans Figuig  y est immatriculé sans
retard et n’en  sort plus qu’en compagnie, sous peine de mort, s’il est surpris,
bien entendu. Ce correctif doit, je l’avoue, singulièrement refroidir et gêner
les tristes français que leur humeur voyageuse et leur passion de la nouveauté
ont poussés vers ces parages.

   Telle est la légende de  Figuig.

   Ce nom plein de mystères,  a reçu en outre
quelque éclat, durant ces années dernières, par les commentaires insensés qu’on
soulevés nos entreprises si malheureuses dans le sud Oranais, lors de
l’insurrection fomentée et conduite par l’intrigant Bou-Amama. Cet élève des
marabouts les plus illustre de Figuig possède, il est vrai, à un très haut degré
le secret d’échapper à nos goums et de passer entre les mains de nos généraux,
sans y laisser le moindre pan de son bernouse. Mais  il n’eût pas suffi à lui
seul pour faire d’un lambeau de terre, ce lambeau fût-il son berceau, un objet
d’administration et de respect pour les Arabes et de crainte pour nous. Sa
légende marocaine ne date pas du XIXe siècle.

Voilà pourquoi une femme curieuse entre toutes,
qui a visité l’Algérie et lu à peu près tout ce qui a été écrit sur le sujet,
n’a pu résister au désir de connaitre un secret de plus, dût un minotaure se
trouver au fond du labyrinthe.

  Résolue à franchir un jour, le plus tôt
possible, coûte que coûte, cette frontière qui inquiète si fort nos bons amis
d’Espagne et d’Angleterre, décidée à franchir des portes ne devant peut-être
plus me laisser sortir, cela sous le regard inquiet de soldats sauvages armés
jusqu’aux dents, rêvant de visiter des arsenaux dirigés par des déserteurs
sortis de polytechnique, quelle trouvaille ! je me voyais déjà sous les coupoles
des mosquées de l’oasis virginale, aux pieds  de ses minarets élancés comme des
flèches de cathédrales, parcourant ses ateliers d’armes, de tissus, de cuirs,
surprenant enfin à ces hommes étranges, mystérieux, criminel, le secret de leur
vie, de leur mœurs, de leur luxe ou de leur misère, que sais-je
enfin !

    Peu vous importe de savoir si je suis entrée
dans Figuig à la faveur d’un déguisement de juif ambulant chassant devant lui sa
bourrique chargée de cotonnades, ou comme une sorcière tatouée, parée d’un
collier d’ambre gris et de faux sequins.

  J’y suis entrée, mais je l’avoue, j’y ai  peu
séjourné. Un tempérament de femme et la perspective peu séduisante d’être
lapidée, le cas échéant, étaient des raisons suffisantes pour préserver ma
curiosité de toute lenteur puérile.

   Toutefois, quelle désillusion !

   Ni rempart, ni fossés, ni pont-levis, ni
herse de fer n’ont arrêté mes pas une seule minute sur le seuil de Figuig la
Vierge… Pas de barbettes, pas de fascines, pas de canon, pas le plus petit
Mont-Valérien et chose à peine croyable, pas le moindre déserteur français
apparent.

Ai-je été  devinée par ces odieux compatriotes ?
Ou bien ont-ils  eu pour moi un restant de galanterie instinctive, en ne se
révélant pas ? Dois-je condamner la légende ou bénir le bernouse ?

   Je préfère croire que la légende est
fausse.

Discours d’un député : 1867.

Extrait :
Dans quelques semaines, une
expédition sera très probablement dirigée par nos généraux contre Figuig, un des
centrés de l'agitation dirigée contre notre domination en Algérie.


Voici
sur cette oasis, située sur la frontière marocaine, à trois cents kilomètres
environ sud-ouest de Saïda, quelques détails intéressants:

L'oasis de
Figuig est une réunion de petites républiques indépendantes, n'obéissant jamais
aux sultans du Maroc et ne leur payant d'autre impôt que des droits de passage
pour leurs caravanes
dans les villes qu'ils y occupent. On compte onze
ksour, ou villes, se présentant à peu près sur une seule ligne, et reliés entre
eux par une muraille en pisé de trois mètres de hauteur, percée  de quelques
portes très basses.

L'accès de l'oasis défendu au Nord et à l'Ouest par
ces  les murailles, également à l'Est et au Sud par un mur crénelé de trois
mètres de haut, flanqué de distance en distance par des tours rondes très
élevées, pouvant contenir plusieurs combattants. Cette fortification, qui
entoure un immense polygone irrégulier, donne à Figuig l’aspect d'une forteresse
formidable, et, pour les Arabes, c'est en effet une position inexpugnable,
l'oasis ayant dans ses murs ses eaux, ses jardins, ses cultures de toute espèce,


On ne saurait donc l'affamer. Mais des
troupes européennes, avec de l'artillerie, viendraient facilement à bout de ces
défenses faites pour résister des armes peu perfectionnées, et non aux engins
dont dispose l'art de la guerre moderne.

L'oasis entière compte de dix à
onze mille habitants, et sa force militaire peut être évaluée à deux mille
fusils.

C'est assez, grâce à sa situation, à ses fortifications qui
défendent tout ce qui la fait vivre, à la réputation de ses habitants, comme
fabricants de poudre et comme habiles mineurs, pour lui permettre de défier les
sultans du Maroc. Evidemment, si les Figuiguiens étaient isolés, nous viendrions
très facilement à bout de leur résistance mais il ne faut pas oublier que la
puissante tribu des OuIad-Sidi-Cheiks a fait alliance avec eux, et qu'ils
peuvent nous opposer, à l'heure actuelle,  avec vingt mille fusils.


Aussi, comprenons-nous que nos généraux attendent pour marcher contre
Figuig, l'époque où ils pourront emmener des forces suffisantes, dans de bonnes
conditions, pour ne pas risquer d'éprouver un échec.

La possession de
Figuig nous permettra de nous servir de sa situation topographique très
dominante, pour établir sur la frontière même du Sahara un poste fortifié,
destiné à contenir les tribus pillardes et nomades de ce pays.

De plus,
tôt ou tard, Figuig, placé à l'entrée de la ligne du Touat, est destiné à
devenir le point de départ de la grande route commerciale du Soudan.

Son
occupation aura donc un double résultat, l'un militaire, l'autre commercial, et
nous ne devons pas hésiter à agir vigoureusement contre l'oasis, dès que la
température le permettra.

 

Extraits d’une conférence du commandant
MALLETERRE qui a participé à une expédition militaire autour de Figuig en
1881 :

Vous ne pouvez-vous figurer quels ...sentiments-
d'attente inquiète, d'avide; curiosité et d'indéfinissable émotion nous
agitaient lorsque nous débouchâmes, par une -belle matinée de
novembre 1881,
dans la plaine où, d'après les renseignements des guides arabes, nous, devions
apercevoir Figuig. Figuig, la reine des ksours, sur laquelle couraient tant de
légendes merveilleuses ! Depuis six, mois, dans les camps des colonnes, on ne
parlait que de Figuig,, de ses trésors cachés dans les entrailles de la terre,
de ses mosquées, de la richesse de ses jardins. Nous étions persuadés que
l'occupation de cette oasis était le but secret, de nos efforts, la récompense
de nos fatigues, et on se léchait les lèvres à la pensée du beau pillage de ce
palais d'été des tribus du Sud. La rumeur du désert, nous faisait pressentir des
combats glorieux, de rudes assauts contre ces murs élevés, disait la légende,
par des Européens, aventuriers de toutes nations. N'allait-on pas jusqu'à
raconter la fabuleuse histoire d'une compagnie du génie, qui aurait déserté,
officiers en tête, à une époque indéterminée des luttes de la conquête, et
aurait fait de Figuig, par la vertu de la sape et de la barbette, quelque
forteresse à la Vauban, contre laquelle se briseraient nos baïonnettes?


Il y eut donc grand écarquillement des yeux, quand, après avoir tourné
la masse porphyrique du  djebel Maiz, la colonne s'allongea  dans la plaine, le
long de l'Oued-Alouf, dont, l'eau claire, courant sur un lit de sable, et
quelques palmiers chétifs ornant, ses bords, semblaient, être les prémices des
jardins enchantés, qui promettaient à nos ordinaires de succulentes réformes.
Or, on eut beau tendre le cou, grimper sur les mamelons voisins, interroger
l'horizon, la plaine était là, caillouteuse,
brûlée par la canicule. Le Maiz
dressait, à mille mètres ses arêtes de porphyre et d'albâtre, éblouissantes et
inaccessibles. Le Beni-Smir ouvrait ses âpres vallées, où la fusillade allait
bientôt retentir. Mais Figuig? où est donc Figuig? Là disaient, les guides et
les goumiers, et leur doigt montrait, vers le Sud des pointes aiguës dépassant
un renflement du sol. Figuig se cachait, comme une coquette qui se dissimule
sous l'éventail. On nous voyait pourtant, et les choufs arabes nous avaient
depuis longtemps signalés. Notre déception fut arrière, bien plus amère,
lorsqu'au lieu de fondre sur cette proie tant désirée, nous nous engageâmes dans
la montagne, où la mort attendait, quelques-uns d'entre nous ! ' ' '


Quand on aborde Figuig par le Sud, par la route des caravanes, le décor
change. Au fond de la plaine, barrée par la muraille dit Maïz, que rendent plus
étincelante encore là masse schisteuse du Surir elles croupes sombres du Grouz,
des pics escarpés se dressent, gardiens muets et traîtres. Par les échancrures
qu'ils ouvrent comme à regret, s'épanchent, dans la plaine; quelques flots de
palmiers, comme d'une coupe trop pleine déborde la mousse du Champagne. Figuig
se dérobe encore, pas assez cependant pour que la légende ne soit atteinte.
L'oasis ne se montre complètement au regard que des collines  en venant, de
l'Est. Alors l'enthousiasme est éteint, le prestige disparaît, et on constate
froidement, que Figuig n'est qu'une agglomération de sept villages, absolument
pareils à tous les ksour, noyés dans une oasis de 20 kilomètres carrés, dont les
deux terrasses, couvertes de palmiers, se profilent nettement sur les sables
jaunes qui s'écroulent des
roches rongées du Grouz. Les murs des jardins
s'avançant vers
le fleuve lui donnent en effet, certain air de ville
fortifiée; les villages perdus dans la verdure ne laissent, passer que quelques
blanches coupoles de koubbas

Le 8 juin 1903 l’armée française  sous le
commandement du général O’connor a  bombardé Figuig,  et la légende s’écroulée,

On a même célébré l’évènement en France par la poésie voici le dernier
quatrain d’un poème :  

Avec
les rayons de Phebus,

O'Connor lança des obus

Sur l'oasis aux
mille intrigues.

Attention, pauvres moineaux 
Figuig, le beau pays
des figues.
Reçoit aujourd'hui des pruneaux.

Figuig, était l’une des villes mythique du
monde de XIXème ;
  après le bombardement de Figuig, un journaliste a
commencé un article sur la révolte arabe à la Mecque, par la phrase suivante :
On dit assez souvent que le monde entier n'a plus de secrets pour l'explorateur.

Le Tibet, Tombouctou et Figuig, si longtemps inviolée, ont été tour à tour
décrits en de nombreux volumes.

 

Cette image de FIGUIG a été reprise par la
littérature française de l’époque :

Figuig, s’est glissé dans le monument de la
littérature française qui est A LA RECHERCHE DU TEMPS PERDU de Marcel Proust, ce
roman est considéré par certains critiques, comme CONSÉQUENCE LITTÉRAIRE du 
MARIAGE RATÉ DE MARCEL PROUST
:  Selon Christian Gury, la Recherche du
temps perdu
est la conséquence littéraire du mariage d'Hubert Lyautey,
futur Maréchal de France, avec Inès de Bourgoin, veuve Fortoul, que Proust avait
rencontrée quelques années auparavant, sans l'épouser toutefois. En effet, leurs
noms se retrouvent, combinés ou inversés, anagrammes et autres transpositions
dans ceux des personnages du récit proustien dont ils seraient les clés, plus
exactement l'unique passe-partout. Magazine Littéraire n°406 -
01/02/2002.

  On lit, dans LE COTE  DE GUERMANTES 1 : « …
Quant au petit bout de jardin qui s’étendait  entre les hautes murailles,
derrière l’hôtel et où l’été Mme Guermantes faisait après diner servir des
liqueurs et l’orangeade, comment n’aurais-je pas pensé que s’y assoir… sans
respirer les brises particulières au faubourg Saint-germain, était aussi
impossible que de faire la  sieste dans l’oasis de Figuig, sans  être pour cela
même en Afrique ? Hélas ! … il ne me serait sans doute jamais donné de posé mes
pas dans le Faubourg. Et je me contentais de tressaillir en apercevant de la
haute mer et sans espoir d’y jamais aborder, comme un minaret avancé, comme un
premier palmier, comme le commencement de l’industrie ou de la végétation
exotique … » fin de citation

Le minaret, le palmier, l’oasis de Figuig, pas
une autre ?

On ne saurait désigner plus explicitement les
Guermantes comme étant les Lyautey, séparés de Proust par la Méditerranée, et la
carrière Magrébine de Lyautey a commencé juste après le bombardement de Figuig
lors de sa nomination comme chef de commandement d’Ain- Sefra comprenant l’oasis
de Figuig.

Quelques jours après son arrivée, Lyautey 
écrivait une lettre à Eugène de Vogué, ensuite lue dans les salons
parisiens : « Hier, j’ai fait le tour de Figuig en longeant les murs à l’aube :
tout étincelait, les montagnes roses, les coupoles blanches des koubbas, la
brume du matin sur les palmiers…

Guy de Maupassant  publia "Bel-Ami"  en
1885, roman réaliste, dont l'action se déroule à Paris au XIXème siècle, il est
adapté au cinéma et à  la télévision, une quinzaine de fois. L'œuvre se présente
comme une monographie de la presse parisienne, Monsieur Walter patron du journal
" La vie française" cherchait un sujet à sensation.  Le reporter Du Roy lui
répondit:

"J'ai votre affaire. Je vous donne une étude
sur  la situation politique de toute notre colonie africaine, avec la Tunisie à 
gauche, l'Algérie au milieu, et le Maroc à droite, l'histoire des races qui
peuplent ce grand territoire, et le récit d'une excursion sur la frontière
marocaine jusqu'à la grande oasis de Figuig ou aucun Européen n'a pénétré et qui
est la cause du conflit actuel. Ça  vous va-t-il?''

Le père Walter s'écria:

- Admirable...

On peut citer un autre texte de Guy Maupassant,
publié en 1881 qui a fait de Bou-Amama, une légende.

 

L'invasion de la mer, le dernier roman de Jules Verne
Publié en  1905 (conçu avant 1903), l'œuvre  est une suite romanesque d'un
projet(Roudair) colonial français en 1880 de noyer une partie du Sahara sous les
eaux de la Méditerranée:

"D'autant plus que l'idée de pénétration vers le
Sahara s'étant imposée à nombre d'esprits, Le mouvement dans ce sens, qui se
produisait à l'Ouest Algérien, dans l'Oranais, s'était accentué au fur et à
mesure de l'oubli ou tombait le projet délaissé de Roudaire. Déjà, le  chemin de
fer de l'Etat dépassait Beni-Ounif, dans l'oasis de Figuig, et se transformait
en tête du Transsaharien."         

En 1926'' 
L'écrivain anglais, Perceval Christopher Wren, publia "Beau Sabreur", roman
d'aventure d'un légionnaire, neveu de ministre de guerre de France, qui es
envoyé dans le Sahara pour apprendre la langue et les coutumes des Arabes et de
contribuer à forger un traité de paix,  le nom de Figuig devient Zaguig , qui
est l’anagramme du mot Figuig et du mot Zenaga. Le Chapitre VII de la première
partie s'intitule "Zaguig" et ses évènements se passent à Figuig:

Je n'y pensais guère, lorsque, à  la fin de mon
congé, en débarquant à Casablanca, je trouverai un télégramme officiel de mon
oncle: "Rejoignez immédiatement Zaguig et attendez instructions."

Zaguig, Ville sainte!

Je pensais au proverbe
arabe:

" Plus la ville est sainte, plus les
habitants en sont terribles et méchants."

(En croirait lire,
ici, le vers du poète
  IBRAHIM IBN ABD ALDJABBAR AL
FIGUIGUI
  XVIème   siècle

خير بلاد الله فج فجيجنا

وشر عبد الله من به نازل

(Notre Figuig, est la
meilleure ville sur  terre ;

  Et les pires des hommes, ceux qu’y
demeurent.))

Ce roman fut adapté au cinéma, en 1928 et interprété par
le «multi-oscarisé» Gary Cooper. Ce film est considéré comme perdu, il en reste
une bande de 55 secondes qui est considérée parmi les 50 meilleurs trésors du
cinéma américain. 

   Le destin  et le sort de Figuig, étaient suspendus à cet
imaginaire, en 1903, la France avait mis Figuig entre les mains d’un colonel qui
a fini maréchal (LEYAUTEY, un des pricipaux fondateurs du Maroc moderne) juste
après, jusqu’à la fin des années vingt entre les mains d’un comandant qui a fini
colonel (Pareil) et en fin  sous la responsabilité d’un simple agent
administratif (Broulou) qui a fini sa carrière après l’indépendance du Maroc
comme gardien d’immeuble à Belleville.



22/05/2012
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